Variations en BIM majeur

Le BIM a entraîné une petite révolution et continue à essaimer  : architectes, ingénieurs, bureaux d’études, entreprises… De plus en plus d’acteurs de la construction y viennent. Il faut dire que la société Rhinoforyou n’est pas étrangère à ce mouvement d’adhésion. Spécialisée d’abord sur le logiciel pluridisciplinaire Rhinocéros touchant mille et un métiers du design et bien d’autres secteurs d’activités, l’entreprise jette alors son dévolu sur sa solution logicielle RhinoArchitecture qui rassemble BIM et design génératif. Une convergence qui marque le début d’une ère nouvelle dans la conception architecturale et dans les études d’ingénierie, où le champ des possibles s’élargit et offre des opportunités inexplorées. Entretien exclusif avec son fondateur, Jacques Hababou.

Bio express

1984 : Démarrage de l’activité de conseils en Conception Assistée par Ordinateur

2005 : Prise de contact avec l’éditeur de Rhino (McNeel)

2009  : Création de l’entreprise Rhinoforyou et commencement d’une spécialisation sur le format d’échange IFC pour le BIM (partenaire stratégique GeometryGym)

2011 : Rencontre avec un des plus grands industriels de la construction qui, tout en nous confiant des projets de développements, nous fait prendre conscience que l’offre de services doit évoluer précisément sur le sujet du développement d’applications spécifiques métiers.

2015  : Embauche de notre premier ingénieur «  Recherche & Développement » qui crédibilise et pérennise la nouvelle orientation de Rhinoforyou qui allie compétences métiers (celles à qui nous nous adressons) et maitrise d’une technologie dite de « rupture » polyvalente et adaptable au plus grand nombre.

• Croissance annuelle à 2 chiffres depuis 2015.

Informations Entreprise : Qu’est-ce qui vous a amené à fonder Rhinoforyou ?

Jacques Hababou  : Ma motivation tient à des rencontres que j’ai pu faire avec des utilisateurs du logiciel Rhino. Ce qui m’a plu dans l’échange que j’ai pu avoir avec certains d’entre eux tenait en premier lieu à la faculté que leur offrait ce produit de se débrouiller dans n’importe quelles conditions. Ils avaient vraiment l’impression d’avoir une boîte à outils qui les dépannait dans tous les cas de figures. Et puis surtout, ce qui a retenu mon attention tenait au plaisir qu’avaient les gens à utiliser cet outil. À ce moment-là, je faisais du conseil en conception assistée par ordinateur – ce qu’on appelle la CAO – depuis 1984, avec une spécialisation dans le BTP par la suite. Au stade de carrière où je me trouvais alors, rencontrer une telle atmosphère positive autour d’un logiciel m’a fait l’effet d’un grand bol d’air frais ! Pour le coup, je me suis dit qu’il y avait quelque chose d’intéressant à creuser. J’ai commencé par aller voir des spécialistes 3D que je connaissais, et tous m’ont vivement incité à me pencher plus en avant sur ce produit. Venant de gens aussi respectables et professionnels, je ne pouvais qu’approfondir le sujet, et effectivement, peu de temps après, en mûrissant le projet, j’ai lâché tout ce sur quoi mon activité reposait jusque-là – même s’il ne s’agissait pas d’une remise à zéro parce que, sinon, l’expérience ne serait qu’un vain mot – pour me jeter à corps perdu dans cette aventure de Rhinoforyou.

IE : Avez-vous votre propre définition du BIM ?

JH  : Basiquement, le BIM n’est rien d’autre que la contraction de Building Information Modeling. Sauf qu’il ne s’agit pas là d’une transcription personnalisée à la « sauce » Jacques Hababou (rires) … Disons que, d’une manière générale, on peut appréhender cette notion de BIM à travers le prisme d’une collecte d’informations pour les acteurs du bâtiment qui vont en réaliser une synthèse et s’organiser autour d’un projet. Ce qu’ils ont, du reste, toujours fait d’une manière traditionnelle, dans le sens où les acteurs se rencontraient et échangeaient des informations bien avant l’avènement de l’informatique. Le BIM doit permettre, c’est l’une de ses vocations – et ça c’est vraiment mon avis – la donnée. C’est la raison pour laquelle il faut parler davantage d’optimisation que de gestion et de collecte d’informations plus ou moins bien organisée autour d’une ou plusieurs maquettes 3D, où tous les acteurs vont s’agréger, etc. Bref, une sorte de BIM 2.0… Mais attention  ! Cette optimisation ne dépend pas des seuls outils, mais aussi de la volonté des gens à collaborer. C’est précisément là que les gains vont être substantiels pour tout le monde : le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, l’architecte, l’entreprise, le bureau d’étude, l’ingénierie, l’installateur, que sais-je encore, jusqu’à ceux qui seront chargés de la maintenance, et aussi, bien plus tard, de la déconstruction de l’ouvrage. 

IE  : Vous parlez également de «  BIM flexible  » pour désigner votre solution RhinoArchitecture. Qu’entendez-vous par là ?

JH  : C’est plus qu’une accroche  ! Flexible à plus d’un titre, il s’agit en effet d’un outil qui doit être véritablement facile à utiliser, adaptable à l’infini, et très abordable économiquement. Dans ce que nous proposons avec RhinoArchitecture, il y a, outre l’aspect modélisation qui offre des possibilités géométriques inédites, des fonctionnalités BIM plus traditionnelles mais beaucoup plus faciles à utiliser que celles disponibles dans d’autres outils de CAO spécialisés. Il y a tout cela et surtout un outil intégré tout à fait particulier qui s’appelle Grasshopper. En l’occurrence une solution de design génératif ou de conception paramétrique, connue aussi sous le terme anglais de computational design.

IE : De quoi s’agit-il ?

JH  : C’est plus qu’une accroche  ! Flexible à plus d’un titre, il s’agit en effet d’un outil qui doit être véritablement facile à utiliser, adaptable à l’infini, et très abordable économiquement. Dans ce que nous proposons avec RhinoArchitecture, il y a, outre l’aspect modélisation qui offre des possibilités géométriques inédites, des fonctionnalités BIM plus traditionnelles mais beaucoup plus faciles à utiliser que celles disponibles dans d’autres outils de CAO spécialisés. Il y a tout cela et surtout un outil intégré tout à fait particulier qui s’appelle Grasshopper. En l’occurrence une solution de design génératif ou de conception paramétrique, connue aussi sous le terme anglais de computational design.

IE : Quel est le profil de vos clients et que recherchent-ils ?

JH : Les profils sont très diversifiés : créatifs aux mille et un métiers, architectes, ingénieurs, techniciens … Par exemple et parmi notre clientèle, nous avons des utilisateurs qui sont dans la joaillerie et d’autres dans l’ingénierie des barrages hydrauliques ! Ils conçoivent tous types d’objets ou modèles, mais avec un degré de complexité pouvant se révéler extrême. L’algorithme visuel Grasshopper va leur permettre de réaliser ces études de variantes, d’optimisation ou de recherche de forme. Il donne ainsi la possibilité de s’adapter à n’importe quel environnement dès lors qu’il y a un besoin d’optimisation, et de trouver les meilleures hypothèses possibles. Et là où un être humain ferait deux, trois, quatre variantes parce que le temps et l’argent mis sur la table pour les réaliser ne permettent pas d’en faire davantage, avec ce système, une fois qu’on sait l’utiliser, il est possible d’extraire l’information pertinente parmi des milliers, voire des dizaines de milliers de solutions. 

IE : Qu’est-ce qui vous permet de vous démarquer sur le marché actuel ?

JH : C’est d’avoir cru avant beaucoup de monde à cette technologie. J’ai sauté le pas au moment où le train était en gare, prêt à démarrer, déjà avec l’aspect modélisation qu’offre l’outil Rhinocéros 3D, puis enrichi avec Grasshopper. J’ai senti que c’était la voie à explorer parce que faire ce que tout le monde fait à peu près, même avec un super outil, ne garantit en rien la possibilité d’émerger. D’où la nécessité de savoir se démarquer de manière beaucoup plus prononcée, avec de la véritable matière.

IE  : Les perspectives liées au déploiement de RhinoArchitecture semblent exponentielles. Comment voyez-vous tout cela évoluer ?

JH  : C’est un produit qui est relativement nouveau. Certes, une application orientée architecture sur Rhino existait depuis quelques temps déjà, mais j’ai concaténé de la technologie avec les autres parties de la solution pour la rendre la plus accessible et la plus communicante possible avec les autres logiciels. On parle de workflow, une terminologie qui, pour le coup, a du sens puisqu’elle induit l’art de communiquer la bonne information à d’autres logiciels et surtout, de manière fiable et pérenne, ce qui n’est pas une mince affaire ! Il y a donc beaucoup à faire pour développer le produit et particulièrement pour faire connaître cette nouvelle solution RhinoArchitecture au marché. 

IE  : Le Grand Paris Express fait énormément parler et polémiquer, notamment sur le plan des enveloppes budgétaires qui sont loin de celles initialement prévues. Il y a des retards sur toutes les lignes, au sens propre comme au figuré. Êtes-vous en lien avec des acteurs qui travaillent sur ce projet ?

JH : À dire vrai, je n’ai pas de contacts directs sur ce grand dossier. Mais disons qu’à projet exceptionnel, il y a automatiquement et mécaniquement des choses qui se produisent de manière exceptionnelle. Prenez tous les grands chantiers de ces dernières décennies. Vous citez celui du Grand Paris, mais on pourrait prendre celui du tunnel sous la Manche et de combien d’autres plus récents ! On sait très bien qu’il y aura toujours des surprises de tout ordre qui vont engendrer des surcoûts. Dans quelles conditions les marchés sont-ils passés ? Je ne le sais pas. Ce qui est certain, c’est qu’à projet d’une telle envergure, il doit y avoir des enveloppes budgétaires en résonance. Ce qui est estimé à un moment donné ne peut être qu’une photographie. Au fur et à mesure que les choses s’éclaircissent, d’autres photos doivent être prises et les estimations réajustées. Somme toute, rien que d’absolument normal !

IE  : En tant qu’entrepreneur, y a-t-il d’autres secteurs dans lesquels vous aimeriez investiguer ?

JH : J’ai déjà commencé à répondre à cette interrogation et, en effet, elle mérite d’être détaillée un peu plus. L’outil sur lequel mon entreprise s’est spécialisée présente un caractère polyvalent ne s’adressant pas à une seule activité mais à une infinité. De même qu’il ne saurait se réduire à un seul caractère franco-français puisqu’en Europe, aux ÉtatsUnis, en Australie et même dans les pays dits émergents, des gens comprennent que le design génératif, nommé aussi computational design ou conception paramétrique, est une « nouvelle donne » qui va transformer les habitudes de travail. Les métiers auxquels on s’adresse évoluent, soit parce que des outils y participent, soit parce qu’il y a une évolution naturelle dans les mentalités, dans les façons de faire. Le profil des utilisateurs va terriblement évoluer et ces nouveaux outils vont faire la différence. Les gens qui gagneront demain sont en effet ceux qui maîtriseront à la fois leur métier de base et ce nouveau savoir faire qu’est le savoir coder.